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Fiches d'interprétation

Les petits êtres

Le caribou qui voulait devenir un poisson

L’orignal qui se dirigeait vers la forêt

Les cercles

La spiritualité autochtone et le chamanisme

Légende urbaine atikamekw

Récit d'interprétation linguistique atikamekw

Notre histoire, c’est une tradition orale. Il est difficile de savoir exactement comment c’était avant; c’est une histoire qui nous est racontée. Le terme que j’ai utilisé pour traduire le mot « histoire », c’est « atisokan ». « Atiso » veut dire « imprégner », comme lorsqu’on teint une peau. On parle de notre histoire, de l’histoire de quelqu’un d’autre, ce qui l’imprègne. « Ka wapisitc otatisokan » veut dire « l’histoire de l’autre, l’histoire du Blanc ».

Je traduis aussi légende par « atisokan », comme pour histoire; c’est la même chose pour nous. Les légendes racontent l’histoire. Ce sont des histoires qui sont demeuré inchangées et qui se sont transmises de génération en génération. C’est grâce à ces histoires qu’on a survécu. Jadis, il n’y avait pas de télévision, pas de radio; c’était par les légendes que les enfants apprenaient l’histoire. On racontait toujours les mêmes histoires, aux mêmes âges et au même moment de la journée. À force de conter les mêmes légendes, les enfants enregistrent et en viennent à être capables de les raconter à leur tour. On racontait des légendes même si l’enfant dormait, parce qu’il enregistre quand même. Je racontais certaines légendes à mon fils quand il avait cinq ans, aujourd’hui il en a seize et il ne les a pas oubliées. Il va être capable de les raconter à son tour.

On retrouve les mêmes légendes, à quelques variations près, dans plusieurs nations. Comme la légende de « Tcakapec » par exemple. C’est un personnage, un peu comme notre sauveur. D’une nation à une autre, son image va changer; parfois c’est un lièvre, parfois un petit militaire, parfois on le présente comme un vrai personnage, parfois comme un personnage mythique. Aussi, certaines nations peuvent raconter des bouts d’une histoire, et d’autres nations vont avoir d’autres bouts; certains sont communs, d’autres différents. Il serait intéressant de tout rassembler pour former une grande légende.

Pour les mythes fondateurs, j’ajoute « kitci » à « atisokan ». « Kitci » veut dire : quelque chose d’immense, de grande valeur.

On utilise la partie de mot « aniskowi » pour signifier faire le pont pour relier toutes choses associées à quelque chose; faire le lien à propos d’un sujet. C’est de cette manière que nous percevons la transmission (aniskowictamakewin).

Le lien qui nous uni à la nature

Dans la pensée autochtone, tout est relié. Nous sommes attachés, reliés à « notcimik », qui réfère à la nature, à la forêt, au territoire. On ne peut pas être séparés de « notcimik »; on vient de « notcimik », on est issus de « notcimik »; « ni otci » veut dire « issu de ». Tous les éléments qui en font partie sont reliés et forment un tout; arbres, animaux, plantes. C’est pourquoi on considère que si le territoire est perturbé, nous sommes perturbés aussi. On utilise aussi le terme « aski », qui est plus général. On l’emploie aussi pour parler de la terre. Lorsqu’on parle d’un territoire de trappe, on dit « otatoskeaw aski », « atoskew » référant à la trappe. On peut donc considérer que « notcimik » est dans « aski », il fait partie de ce dernier, plus englobant. Nous utilisons aussi « nitaskinan », qui signifie « notre territoire ».

Chasseur-cueilleur (Atoske Iriniw Mowiso Iriniw)

Au départ, nous sommes tous humains, d’où l’utilisation de « iriniw », qui réfère à l’être humain. « Irin », c’est la racine, la source, l’origine, la pureté. « Iriniw », c’est l’humain d’origine, la source de l’humain. « Mowiso » c’est l’action de faire la cueillette, et « atoske » l’action de chasser.

Le respect entre le chasseur et l’animal est très important. « Kicteritcikewin », c’est un respect réciproque.

Spiritualité

« Mantokasowin » comprend « manito », qui veut dire être suprême et « kaso » qui réfère à une action, à faire quelque chose, au mouvement. « Kaso » est toujours associé à une autre composante, comme dans « kicikaso » (quelqu’un qui pose l’action de payer, « kici » faisant référence à la paye) ou « mikaso » (quelqu’un qui pose l’action de battre quelqu’un d’autre, « mi » faisant référence à la bataille). « Kaso », c’est ce qui est en mouvement, ce qui agit, qui est animé par l’être suprême qui met tout en mouvement.

Pour parler de ces événements qu’on nomme Pow Wow, nous utilisons le mot « opwakanahanicimowin », qui comprend « opwakan », qui pourrait se traduire par esprit. Nous faisons une distinction entre âme (« omanitom », qui réfère à « Manito », être suprême) et esprit. Chaque être vivant (chaque personne, animal, plante, etc.) a son « opwakan », son esprit qu’on qualifie parfois aussi de petit soldat. Dans un « Pow Wow », on invite tous les « opwakan », tous ces esprits du monde animal, de l’autre côté (personnes décédées). On les invite à ce rendez-vous pour se ressourcer, se réunir, danser; c’est en s’unissant de la sorte qu’on se donne une autre énergie. C’est là, le sens du Pow Wow; se permettre de renouer afin de faire revivre toutes les valeurs, les savoirs, etc. 

« Ospwakan » c’est un mot qui est très proche, ça veut dire pipe. C’est l’instrument qu’on utilise pour remercier, pour honorer, pour invoquer en prières.

Entre la naissance et la mort, la vie

Nous voyons la vie et la mort reliées, dans un même cercle infini. Quand tu viens au monde, ça implique aussi que tu vas mourir; tu nais, tu meurs. Le tambour symbolise ce cycle de vie et de mort; son battement est infini; le battement de la vie.

Le mot « tambour » se traduit par le mot « tewehikan », mais dans le fond, c’est une contraction. Le vrai mot, à l’origine, pourrait s’écrire « otewehikan », mais en prononçant on perd ce « o », presque muet, d’où l’orthographe standardisé « tewehikan ». Ça soulève le fait que ce mot comprend le concept « otehi », qui veut dire cœur. Le tambour est donc l’objet du cœur ou l’instrument du cœur, qui bat lui aussi.

Souvent, on va raccourcir les mots, mais ce faisant, on perd aussi du sens. C’est très important de bien dire chaque mot, chaque morphème du mot, afin de protéger la langue, qui est notre héritage.

« Nous » se traduit par « kirano », être ensemble. Dans notre langue, « kirano » réfère à un tout englobant; c’est le « nous » inclusif. Nous, en tant qu’humains, ensemble, ne formons qu’un; c’est le concept de « kirano ». Nous nous considérons tous frères et sœurs de sang. On a même tendance à privilégier autrui, avant soi-même. Quand quelqu’un vient chez moi et qu’il a faim, c’est normal qu’il aille voir dans le réfrigérateur et qu’il se serve, sans qu’il ait à demander quoi que ce soit. Ça se remarque aussi dans l’ordre des pronoms personnels dans notre langue; « kir » pour nous est en premier; et c’est la deuxième personne en français, le « tu », « l’Autre ». Le « je », « nin », arrive après. C’est toujours l’Autre qui est en priorité, pas soi; l’Autre est plus important que soi.

Le « nous » exclusif, c’est « ninan », ce « nous » qui fait référence à soi avec d’autres personnes formant un groupe, mais qui exclue d’autres personnes. Par rapport au territoire, on peut donc dire « nitaskinan », qui est « notre territoire », celui de ma nation mais pas de toutes les nations, pas de tous les humains; c’est le territoire des Nehirowisiwok (Atikamekw). « Notre territoire » qui ferait référence à tous les humains, ce serait plutôt « nitaskino ».

Avant, nous n’étions pas dépendants, par rapport à notre survie. Nous étions structurés, organisés, en mesure de prendre des responsabilités, capables de faire des choses pour notre survie. Bref, nous étions autonomes; « ki mihitison » : « tu es un être autonome », capable de s’occuper de ses propres affaires. Jadis, une femme pouvait accoucher seule.

Il est important de se rappeler la rapidité avec laquelle les choses se sont produites. Nous avions un mode de vie ancré dans le territoire. Puis, très vite, nous avons été poussés à adopter un autre mode de vie. Nous avons vécu cela comme une expulsion, un déchirement, un déracinement de notre habitat.

Maintenant, nous sommes devenus dépendants à tellement de choses… Un aîné m’a déjà dit : « aujourd’hui, on est comme des chiens, alors que dans le temps on était des loups ». Il voulait dire qu’un chien a besoin de l’homme, il dépend de lui pour sa nourriture, il faut s’en occuper. En comparaison, un loup est autonome. Les loups sont organisés en meutes, avec des chefs. Aujourd’hui, à l’image des chiens, nous sommes devenus dépendants. On formule « akosiwin », qui veut dire « dépendant » mais avec une connotation de maladie (c’est une sorte de « maladie » que d’être dépendant »), ou « kitarimisin », qui signifie plutôt « faire pitié ».

Dans notre manière de voir les choses, nous ne fragmentons pas le temps, on ne le coupe pas en morceaux. Quand on pense à une règle, divisée en millimètres, ça correspond davantage à une pensée linéaire. Notre pensée est plutôt circulaire, globale. Nous ne nous sentons pas poussés par le temps qui passe. Nous ne considérons pas « prendre trop de temps » ou « ne pas avoir assez de temps », nous ne comptons pas les minutes quand nous faisons quelque chose. Quand on mesure quelque chose, on considère les réalisations. On va considérer « l’action qui est réalisée »; c’est notre mesure. L’important, c’est la chose à faire, qui prendra « le temps nécessaire »; on va terminer ce qu’on a commencé de toute façon. C’est l’ensemble qui est considéré, l’événement. On mesure avec la somme des réalisations.

La langue est un héritage que nous ont laissé nos ancêtres, et on y retrouve tout. J’ai envie de vous partager un extrait d’un témoignage donné par un aîné du nom de Salomon (Sarmon) Dubé. « Avec toutes les épreuves qu’on vit dans nos communautés, on doit retourner en arrière pour essayer de retrouver tout ce que nos grands-pères nous ont laissé. Ils ont toujours bien préservé la pensée, l’intelligence, la capacité de voir la vie; ils ont porté toute la vie. N’ayez pas peur de retourner aux sources, dans nos histoires, dans la vie ancienne. C’est là que vous allez trouver comment on peut mieux vivre. C’est là que vous allez savoir qui nous sommes. C’est là aussi que vous allez trouver toutes nos forces. C’est dans la langue que vous allez trouver toutes les forces pour vous aider dans votre vie, pour passer au travers des épreuves que vous allez rencontrer. La langue en est imprégnée; vous n’avez qu’à la réveiller et vous en servir. Les ancêtres ont laissé tout ça pour nous. »

Non seulement la langue pouvait tout nommer, mais elle pouvait aussi dire plein de choses en même temps. Par notre langue, la terre parle; c’est la langue de la Terre-mère. Par exemple, quand on parle de température, qu’on veut dire qu’il vente, « mirowew », ça pourrait se traduire par « on te donne un souffle ». La langue va jusque-là, c’est pourquoi il est important de la préserver.

Nicole Petiquay